Historique

C'est François Bossier de Lacroix (1706-1777), plus connu sous le nom de Sauvages, qui a tenté le premier essai de classement systématique des maladies.

Le vaste traité de Sauvages fut publié sous le titre de Nosologia Methodica. Un des contemporains de Sauvages fut le grand taxonomiste Linné (1707-1778), dont l'un des ouvrages était intitulé Genera Morborum. Au début du XIXe siècle, la classification des maladies la plus couramment utilisée était celle de William Cullen (1710-1790), d'Edimbourg, classification qui fut publiée en 1785 sous le titre de Synopsis Nosologiae Methodicae.

Cependant, l'étude statistique des maladies avait commencé pratiquement un siècle plustôt, avec les travaux de John Graunt consacrés aux tables mortuaires de Londres. Pour évaluer la proportion des enfants nés vivants qui mouraient avant d'avoir atteint l'âge de six ans, aucune mention de l'âge du décès n'étant indiquée à cette époque sur les actes, il choisit tous les décès classés sous les rubriques: muguet, convulsions, rachitisme, accidents dentaires et vers, naissances prématurées, décès du premier mois, décès de la première enfance, gros foie, étouffement par couvertures, et y ajouta la moitié des décès classés sous les rubriques: variole, varicelle, rougeole et vers sans convulsions. Malgré l'imperfection de cette classification, son évaluation d'une mortalité de 36 % avant l'âge de six ans semble à la lumière des renseignements ultérieurs, avoir été bonne. Trois siècles ont quelque peu contribué à l'exactitude scientifique du classement des maladies, et pourtant nombreux sont ceux qui doutent encore de l'utilité des tentatives faites pour recueillir des statistiques de maladies, voire de causes de décès, en raison des difficultés du classement. A ceux-là on peut citer la phrase du Professeur Major Greenwood 2: « Le puriste scientifique qui attend des statistiques médicales l'exactitude du point de vue nosologique n'est pas plus sage que le paysan d'Horace attendant que la rivière tarisse »

Heureusement pour les progrès de la médecine préventive, le General Register Office of England and Wales trouva, dès sa fondation en 1837, en la personne de William Farr (1807-1883) - son premier statisticien médical - un homme qui non seulement fit le meilleur usage possible des classifications imparfaites des maladies qu'il avait alors à sa disposition, mais qui travailla à les améliorer et à en obtenir un usage uniforme dans tous les pays.

A l'époque de Fart, les services publics utilisaient la classification de Cullen. On ne l'avait pas révisée pour l'adapter aux progrès de la science médicale, et Farr estima qu'elle ne pouvait être employée dans un but statistique. En conséquence, dans le premier rapport annuel du Registrar General, il discuta des principes qui doivent servir de base à un classement statistique des maladies et insista sur l'adoption d'une classification uniforme.

La nomenclature et la classification statistique ont fait l'objet d'une étude et de commentaires constants de la part de Farr dans ses « Letters » annuelles au Registrar General, publiées dans les rapports annuels de ce dernier. L'utilité d'une classification uniforme des causes de décès a été si vivement reconnue au premier Congrès international de Statistique, tenu à Bruxelles en 1853, que ce dernier chargea William Farr et Marc d'Espine, de Genève, de préparer «une nomenclature uniforme des causes de décès, applicable à tous les « pays »³. Au congrès suivant, tenu à Paris en 1855, Farr et d'Espine présentèrent deux listes distinctes qui étaient basées sur des principes très différents. La nomenclature de Farr était divisée en cinq groupes: maladies épidémiques, maladies constitutionnelles (générales), maladies locales classées selon leur localisation anatomique, maladies du développement et maladies qui sont la conséquence directe d'un traumatisme. D'Espine classait les maladies d'après leur nature (goutteuse, herpétique, hématique, etc.). Le congrès adopta un compromis sous la forme d'une liste de 138 rubriques. En 1864, cette nomenclature fut révisée à Paris « sur le modèle de celle de W. Farr »; elle a été révisée par la suite en 1874, 1880, 1886. Bien que cette classification n'ait jamais reçu une approbation universelle, la disposition générale, et notamment le principe proposé par Farr de classer les maladies suivant leur localisation anatomique, ont survécu comme base de la Nomenclature internationale des causes de décès.

Adoption de la Nomenclature internationale des causes de décès

Au cours de sa réunion tenue à Vienne en 1891, l'Institut international de Statistique, qui a succédé au Congrès international de Statistique, chargea un comité, présidé par Jacques Bertillon (1851-1922), chef des Travaux statistiques de la ville de Paris, de préparer une classification des causes de décès. Il est intéressant de noter que Bertillon était le petit-fils d'Achille Guillard, botaniste et statisticien distingué, qui avait présenté la résolution priant Farr et d'Espine de préparer une nomenclature uniforme au premier Congrès de Statistique de 1853. Le rapport de ce comité fut présenté par Bertillon à la réunion de l'Institut international de Statistique à Chicago, en 1893, et fut adopté par ce dernier. La nomenclature préparée par Bertillon était basée sur la nomenclature des causes de décès utilisée par la ville de Paris, nomenclature qui, depuis sa révision en 1885, représentait une synthèse des classements anglais, allemand et suisse. Le classement était basé sur le principe, adopté par Farr, d'une distinction entre les maladies générales et celles qui sont localisées à un organe particulier ou à une région anatomique précise. Conformément aux instructions du Congrès de Vienne, données sur la suggestion de L. Guillaume, directeur du Bureau fédéral des Statistiques de Suisse, Bertillon établit trois classifications: la première, une classification abrégée de 44 rubriques; la seconde, une classification de 99 rubriques, et la troisième, une classification de 161 rubriques.

La Nomenclature internationale des causes de décès (Classification Bertillon) reçut l'approbation générale et fut adoptée par plusieurs pays, ainsi que par de nombreuses villes. Elle a tout d'abord été utilisée en Amérique du Nord par Jesús E. Monjarás pour les statistiques de San-Luis-Potosi (Mexique)4. En 1898, au cours de sa réunion tenue à Ottawa (Canada), l'American Public Health Association recommanda l'adoption de la Classification Bertillon par les bureaux de l'état civil du Canada, du Mexique et des Etats-Unis. L'association suggéra en outre que la Classification soit révisée tous les dix ans.

A la réunion de l'Institut international de Statistique, tenue à Christiania en 1899, Bertillon présenta un rapport sur les progrès de la Classification et rappela les recommandations de l'American Public Health Association au sujet des révisions décennales. L'Institut international de Statistique adopta alors la résolution suivante :

  • L'Institut international de Statistique, convaincu de la nécessité d'employer dans les différents pays des nomenclatures comparables,
  • Apprend avec plaisir l'adoption par toutes les administrations statistiques de l'Amérique du Nord, par une partie de celles de l'Amérique du Sud, et par une partie de celles de l'Europe, du système de nomenclature des causes de mort, qui lui a été présenté en 1893.
  • Insiste vivement pour que ce système de nomenclature soit adopté, en principe et sauf révision, par toutes les institutions statistiques de l'Europe.

« Approuve, au moins dans ses grandes lignes, le système de révision décennale proposé par l'American Public Health Association dans sa session d'Ottawa (1898). « Engage les administrations statistiques qui n'ont pas encore adhéré, à le faire sans retard et à contribuer à la comparabilité des nomenclatures des causes de mort. »

En conséquence, le Gouvernement français convoqua à Paris, en août 1900, la première Conférence internationale pour la révision de la Nomenclature internationale des causes de décès (Classification Bertillon). Les délégués de 26 pays assistèrent à cette conférence. Une classification détaillée des causes de décès comprenant 179 groupes et une classification abrégée de 35 groupes furent adoptées le 21 août 1900. L'avantage d'une révision décennale fut reconnu, et le Gouvernement français fut chargé de convoquer en 1910 la réunion suivante. En fait., cette réunion eut lieu en 1909, et le Gouvernement français convoqua des conférences successives en 1920, 1929 et 1938.

Bertillon continua d'être le promoteur de la Nomenclature internationale des causes de décès; les révisions de 1900, 1910 et 1920 furent conduites sous sa direction. En qualité de secrétaire général de la Conférence internationale, il adressa la révision provisoire de 1920 à plus de 500 personnes en leur demandant leur opinion. Sa mort, en 1922, priva la Conférence de son animateur.

A la session de l'Institut international de Statistique tenue en 1923, Michel Huber, successeur de Bertillon en France, reconnut ce manque de direction et présenta une résolution tendant à ce que l'Institut international de Statistique réaffirme sa position de 1893 à l'égard de la Nomenclature internationale des causes de décès, et collabore avec d'autres organisations internationales à la préparation de révisions ultérieures. L'Organisation d'Hygiène de la Société des Nations s'était également intéressée de façon active aux statistiques démographiques et avait nommé une Commission d'experts statisticiens pour étudier le classement des maladies et causes de décès, ainsi que d'autres problèmes rentrant dans le domaine de la statistique médicale. E. Roesle, chef du Service de Statistique médicale de l'Office de Santé publique d'Allemagne et membre de la Commission d'experts statisticiens, avait préparé une monographie donnant la liste des adjonctions qu'il serait nécessaire de prévoir dans les rubriques de la Nomenclature internationale des causes de décès de 1920, si l'on voulait que la classification pût être utilisée pour la mise en tableaux des statistiques de morbidité. Cette étude minutieuse fut publiée en 1928 par l'Organisation d'Hygiène de la Société des Nations. Pour coordonner les travaux des deux institutions, il fut créé une commission internationale, connue sous le nom de «Commission mixte» et comprenant un nombre égal de représentants de l'Institut international de Statistique et de l'Organisation d'Hygiène de la Société des Nations. Cette commission élabora des propositions en vue des quatrième (1929) et cinquième (1938) révisions de la Nomenclature internationale des causes de décès.

Sixième, septième et huitième révisions

En 1946, la Conférence internationale de la Santé, tenue à New-York, chargeait la Commission intérimaire de l'Organisation mondiale de la Santé de procéder aux travaux préparatoires nécessaires pour la sixième révision décennale des Nomenclatures internationales des causes de décès, et pour l'établissement des Listes internationales des causes de maladies. La Conférence internationale pour la sixième révision fut convoquée à Paris, en avril 1948, par le Gouvernement français, et le secrétariat en fut confié conjointement aux administrations françaises compétentes et à l'Organisation mondiale de la Santé, qui avaient mené à bien le travail préliminaire, conformément à l'Accord conclu par les gouvernements représentés à la Conférence internationale de la Santé en 1946 7.

La Conférence pour la sixième révision décennale marqua le début d'une ère nouvelle en matière de statistiques internationales démographiques et sanitaires. Outre l'adoption d'une liste détaillée des maladies, traumatismes et causes de décès et l'approbation de règles internationales pour le choix de la cause initiale de décès, la Conférence préconisa un vaste programme de collaboration internationale dans le domaine des statistiques démographiques et sanitaires. Elle recommande notamment la création de commissions nationales de statistiques démographiques et sanitaires chargées de coordonner les activités statistiques dans chaque pays et de servir de lien entre les institutions nationales de statistiques et l'Organisation mondiale de la Santé.

La Conférence internationale pour la septième révision décennale de la Classification internationale des maladies se réunit à Paris, sous les auspices de l'OMS, en février 1955. Conformément à la recommandation du Comité OMS d'experts des Statistiques sanitaires , cette révision fut limitée aux changements essentiels et à la suppression d'erreurs et de contradictions.

La Conférence pour la huitième révision, convoquée par l'OMS, s'est réunie au Palais des Nations, Genève, du 6 au 12 juillet 1965. Plus radicale que la septième, cette révision n'en a pas moins laissé inchangée la structure fondamentale de la classification et la philosophie générale du classement des maladies d'après leur étiologie plutôt qu'en fonction d'une manifestation particulière.